Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/92

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sorte de grognement, tandis qu’il continuait à vouloir prendre la chose en plaisanterie.

— Est-elle méchante aujourd’hui ! reprit-il en se tournant vers Gérard. Qu’est-ce que vous lui avez donc fait, pour que je la trouve dans un état pareil ?

Mais le jeune homme, qui se tenait coi, par crainte des éclaboussures, resta mollement allongé, sans répondre.

Alors, la colère de Silviane déborda.

— Il m’a fait, qu’il m’a plainte d’être à la merci d’un homme tel que vous, si égoïste, si insensible aux injures dont on m’abreuve. Est-ce que vous ne devriez pas bondir d’indignation le premier ? Est-ce que vous n’auriez pas dû exiger mon entrée à la Comédie comme une réparation d’honneur ? Car, enfin, c’est un échec pour vous, et si l’on me juge indigne, vous êtes atteint en même temps que moi… Alors, une fille, n’est-ce pas ? dites tout de suite que je suis une fille, qu’on chasse des maisons qui se respectent !

Elle continua, en arriva aux gros mots, aux paroles abominables, qui finissaient toujours par repousser sur ses lèvres si pures, dans la colère. Vainement, le baron, sachant bien qu’une simple phrase de lui amènerait un dégorgement plus fangeux, implorait-il du regard l’intervention du comte. Celui-ci, dont le désir de paix les réconciliait parfois, ne bougeait pas, trop somnolent pour s’en mêler. Et, tout d’un coup, elle reprit le tutoiement, elle conclut, par son coup de hache, coupant toute faveur :

— Enfin, mon cher, arrange-toi, fais-moi débuter, ou plus rien, tu entends ! pas même le bout de mon petit doigt !

— Bon ! bon ! murmura Duvillard, ricanant et désespéré, nous arrangerons cela.

Mais, à ce moment, un domestique entra, disant que monsieur Dutheil était en bas et demandait monsieur le