Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/102

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— Mon affaire à moi, l’affaire de mon livre, vous la connaissez, n’est-ce pas ? Puisque Son Éminence fait partie de la congrégation, et que les dossiers vous passent par les mains, vous pourriez peut-être me donner quelque utile renseignement. Je ne sais rien, et j’ai une telle hâte de savoir !

Du coup, don Vigilio fut repris de son inquiétude effarée. Il bégaya d’abord, disant qu’il n’avait pas vu le dossier, ce qui était vrai.

— Je vous assure, aucune pièce ne nous est encore parvenue, j’ignore absolument tout.

Puis, comme le prêtre allait insister, il lui fit signe de se taire, il se remit à écrire, jetant des regards furtifs vers la deuxième antichambre. craignant sans doute que l’abbé Paparelli n’écoutât. Décidément, il avait parlé beaucoup trop. Et il se rapetissait à sa table, fondu, disparu dans son coin d’ombre.

Alors, Pierre revint à sa rêverie, envahi de nouveau par tout cet inconnu qui l’entourait, par la tristesse ancienne et ensommeillée des choses. D’interminables minutes durent s’écouler, il était près de onze heures. Et un bruit de porte, un bruit de voix l’éveilla enfin. Il s’inclina respectueusement devant le cardinal Sanguinetti, qui s’en allait en compagnie d’un autre cardinal, très maigre, très grand, avec une figure grise et longue d’ascète. Mais ni l’un ni l’autre ne parut même apercevoir ce simple petit prêtre étranger, incliné ainsi sur leur passage. Ils causaient haut, familièrement.

— Ah ! oui, le vent descend, il a fait plus chaud qu’hier.

— C’est à coup sûr du sirocco pour demain.

Le silence retomba, solennel, dans la grande pièce obscure. Don Vigilio écrivait toujours, sans qu’on entendît le petit bruit de sa plume sur le dur papier jaunâtre. Il y eut un léger tintement de sonnette fêlée. Et l’abbé Paparelli accourut de la deuxième antichambre, disparut