Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/135

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suivit dans sa retraite d’obstiné patriote, lorsqu’il se porta au secours de Venise, forcé d’abandonner Rome à l’armée française du général Oudinot, qui venait y rétablir Pie IX. Et quelle aventure extraordinaire et follement brave ! cette Venise que Manin, un autre grand patriote, un martyr, avait refaite républicaine, et qui depuis de longs mois résistait aux Autrichiens ! et ce Garibaldi, avec une poignée d’hommes, qui part pour la délivrer, frète treize barques de pêche, en laisse huit entre les mains de l’ennemi, est obligé de revenir aux rivages romains, y perd misérablement sa femme Anita, dont il ferme les yeux avant de retourner en Amérique, où il avait habité déjà en attendant l’heure de l’insurrection ! Ah ! cette terre d’Italie, toute grondante alors du feu intérieur de son patriotisme, d’où poussaient en chaque ville des hommes de foi et de courage, d’où les émeutes éclataient de partout comme des éruptions et qui, au milieu des échecs, allait quand même au triomphe, invinciblement !

Orlando revint à Milan, près de sa jeune femme, et il y vécut deux ans, caché, rongé par l’impatience du glorieux lendemain, si long à naître. Un bonheur l’attendrit, dans sa fièvre : il eut un fils, Luigi ; mais l’enfant coûta la vie à sa mère, ce fut un deuil. Et, ne pouvant rester davantage à Milan, où la police le surveillait, le traquait, finissant par trop souffrir de l’occupation étrangère, Orlando se décida à réaliser les débris de sa fortune, puis se retira à Turin, près d’une tante de sa femme, qui prit soin de l’enfant. Le comte de Cavour, en grand politique travaillait dès lors à l’indépendance, préparait le Piémont au rôle décisif qu’il devait jouer. C’était l’époque où le roi Victor-Emmanuel accueillait avec une bonhomie flatteuse les réfugiés qui lui arrivaient de toute l’Italie, même ceux qu’il savait républicains, compromis et en fuite, à la suite d’insurrections populaires. Dans cette rude et rusée maison de Savoie, le rêve de réaliser l’unité italienne, au profit de la monarchie piémontaise venait de