en tas, tous les sexes, tous les âges, l’humanité revenue à l’animalité par la dépossession de l’indispensable, par une indigence telle, qu’on s’y disputait à coups de dents les miettes balayées de la table des riches. Et le pis y était cette dégradation de la créature humaine, non plus le libre sauvage qui allait nu, chassant et mangeant sa proie dans les forêts primitives, mais l’homme civilisé retourné à la brute, avec toutes les tares de sa déchéance, souillé, enlaidi, affaibli, au milieu du luxe et des raffinements d’une cité reine du monde.
Pierre, dans chaque ménage, retrouvait la même histoire. Au début, il y avait eu de la jeunesse, de la gaieté, la loi du travail acceptée courageusement. Puis, la lassitude était venue : toujours travailler pour ne jamais être riche, à quoi bon ? L’homme avait bu pour le plaisir d’avoir sa part de bonheur, la femme s’était relâchée des soins du ménage, buvant elle aussi parfois, laissant les enfants pousser au hasard. Le milieu déplorable, l’ignorance et l’entassement avaient fait le reste. Plus souvent encore, le chômage était le grand coupable : il ne se contente pas de vider le tiroir aux économies, il épuise le courage, il habitue à la paresse. Pendant des semaines, les ateliers se vident, les bras deviennent mous. Impossible, dans ce Paris si enfiévré d’action, de trouver la moindre besogne à faire. Le soir, l’homme rentre en pleurant, ayant offert ses bras partout, n’ayant pas même réussi à être accepté pour balayer les rues, car l’emploi est recherché, il y faut des protections. N’est-ce pas monstrueux, sur ce pavé de la grande ville où resplendissent, où retentissent les millions, un homme qui cherche du travail pour manger, et qui ne trouve pas, et qui ne mange pas ? La femme ne mange pas, les enfants ne mangent pas. Alors, c’était la famine noire, l’abrutissement, puis la révolte, tous les liens sociaux rompus, sous cette affreuse injustice de pauvres êtres que leur faiblesse condamnait à la mort. Et le vieil ouvrier,