Aller au contenu

Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le palais de la rue Giulia, avec son cardinal, abrite là des choses assez malpropres.

C’était le bruit qu’il répandait, l’accusation qu’il portait partout contre sa femme, cette liaison adultère, selon lui publique, éhontée. Au fond, cependant, il n’y croyait pas lui-même, connaissant trop bien la raison ferme de Benedetta, l’idée superstitieuse et comme mystique qu’elle mettait dans sa virginité, la volonté qu’elle avait d’être seulement à l’homme qu’elle aimerait et qui serait son mari devant Dieu. Mais il trouvait une accusation pareille de bonne guerre, très efficace.

— À propos, s’écria-t-il brusquement, vous savez, mon père, que j’ai reçu communication du mémoire de Morano ; et c’est chose entendue : si le mariage n’a pu être consommé, c’est par suite de l’impuissance du mari.

Il partit d’un éclat de rire, désirant montrer que cela lui semblait être le comble du comique. Seulement, il avait pâli de sourde exaspération, sa bouche riait durement, avec une cruauté meurtrière ; et il était évident que, seule, cette accusation fausse d’impuissance, si insultante pour un homme de sa virilité, l’avait décidé à se défendre, dans ce procès, dont il voulait d’abord ne tenir aucun compte. Il plaiderait donc, convaincu d’ailleurs que sa femme n’obtiendrait pas l’annulation du mariage. Et, toujours riant, il donnait des détails un peu libres sur l’acte, expliquant que ce n’était pas si commode avec une femme qui se refuse, qui griffe et qui mord, et que, du reste, il n’était pas si certain que ça de ne pas l’avoir accompli. En tout cas, il demanderait l’épreuve, le jugement de Dieu, comme il disait en s’égayant plus fort de sa plaisanterie, et devant les cardinaux assemblés, s’ils poussaient la conscience jusqu’à vouloir constater la chose par eux-mêmes.

— Luigi ! dit Orlando doucement, en désignant le jeune prêtre d’un regard.

— Oui, je me tais, vous avez raison, mon père. Mais,