Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

survînt, en quête d’un renseignement. Tout de suite, il l’accompagna.

— Bonsoir, monsieur l’abbé. Vous pouvez descendre par le palais de Caligula. Et vous savez qu’un escalier secret, creusé dans le sol, conduisait de ce palais à la maison des vestales, en bas, sur le Forum. On ne l’a pas retrouvé, mais il doit y être.

Ah ! quel soulagement délicieux, quand Pierre, enfin seul, put s’asseoir un instant sur un des bancs de marbre du jardin ! Il n’y avait là que quelques bouquets d’arbres, des buis, des cyprès, des palmiers ; mais les beaux chênes verts, sous lesquels le banc se trouvait, avaient une ombre noire d’une fraîcheur exquise. Et le charme venait aussi de la solitude songeuse, du silence frissonnant qui semblait sortir de ce vieux sol saturé d’histoire, de l’histoire la plus retentissante, dans l’éclat d’un orgueil surhumain. Anciennement, les jardins Farnèse avaient changé cette partie du mont en un séjour aimable, orné de bocages ; les bâtiments de la villa fort endommagés, existent encore ; et toute une grâce a persisté sans doute, le souffle de la Renaissance passe toujours, comme une caresse, dans les feuillages luisants des vieux chênes verts. On est là en pleine âme du passé, au milieu du peuple léger des visions, sous les haleines errantes des générations sans nombre, endormies dans les herbes.

Mais Rome éparse au loin, tout autour de ce sommet auguste, sollicita Pierre si vivement, qu’il ne put rester assis. Il se leva, s’approcha de la balustrade d’une terrasse ; et, sous lui, le Forum se déroula ; et, au bout, le mont du Capitole apparut.

Ce n’était plus qu’un entassement de constructions grises, sans grandeur ni beauté. Dominant le mont, on ne voyait que la façade postérieure du palais des Sénateurs, une façade plate, aux fenêtres étroites, que surmontait le haut campanile carré. Ce grand mur nu, d’un ton de rouille, cachait l’église d’Aracœli, le faîte où le temple