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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/195

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sorte de double cimetière en long, dans lequel les puissants et les riches luttaient de vanité, à qui laisserait le mausolée le plus vaste, décoré avec la prodigalité la plus fastueuse : passion de la survie, désir pompeux d’immortalité, besoin de diviniser la mort en la logeant dans des temples, dont la magnificence actuelle du Campo Santo de Gênes et du Campo Verano de Rome, avec leurs tombes monumentales, est comme le lointain héritage. Et quelle évocation de tombes démesurées, à droite et à gauche du pavé glorieux que les légions romaines ont foulé, au retour de la conquête de la terre ! Ce tombeau de Cæcilia Metella, aux blocs énormes, aux murs assez épais pour que le moyen âge en ait fait le donjon crénelé d’une forteresse. Puis, tous ceux qui suivent : les constructions modernes qu’on a élevées, pour y rétablir à leur place les fragments de marbre découverts aux alentours ; les massifs anciens de ciment et de briques, dépouillés de leurs sculptures, restés debout ainsi que des roches mangées à demi ; les blocs dénudés, indiquant encore des formes, des édicules en façon de temple, des cippes, des sarcophages, posés sur des soubassements. Toute une étonnante succession de hauts-reliefs représentant les portraits des morts par groupes de trois et de cinq, de statues debout où les morts revivaient en une apothéose, de bancs dans des niches pour que les voyageurs pussent s’asseoir en bénissant l’hospitalité des morts, d’épitaphes louangeuses célébrant les morts, les connus et les inconnus, les enfants de Sextus Pompée Justus, les Marcus Servilius Quartus, les Hilarius Fuscus, les Rabirius Hermodorus, sans compter les sépultures hasardeusement attribuées, celle de Sénèque, celle des Horaces et des Curiaces. Et enfin, au bout, la plus extraordinaire, la plus géante, celle qu’on désigne sous le nom de Casal Rotondo, si large, qu’une ferme, avec un bouquet d’oliviers, a pu s’installer sur les substructions, qui portaient une double rotonde, ornée de pilastres