Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/22

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débarrasserait plus tard, lorsque l’humanité grandie, épurée, instruite, pourrait supporter l’éclat de la vérité nue.

Et Pierre, dans son zèle d’être utile, dans sa passion de crier tout haut sa croyance, s’était trouvé un matin à sa table, écrivant un livre. Cela était venu naturellement, ce livre sortait de lui comme un appel de son cœur, en dehors de toute idée littéraire. Le titre, une nuit qu’il ne dormait pas, avait brusquement flamboyé, dans les ténèbres : la Rome nouvelle. Et cela disait tout, car n’était-ce pas de Rome, l’éternelle et la sainte, que devait partir le rachat des peuples ? L’unique autorité existante se trouvait là, le rajeunissement ne pouvait naître que de la terre sacrée où avait poussé le vieux chêne catholique. En deux mois, il écrivit ce livre, qu’il préparait depuis un an sans en avoir conscience, par ses études sur le socialisme contemporain. C’était en lui comme un bouillonnement de poète, il lui semblait parfois rêver ces pages, tandis qu’une voix intérieure et lointaine les lui dictait. Souvent, lorsqu’il lisait au vicomte Philibert de la Choue les lignes écrites la veille, celui-ci les approuvait vivement, au point de vue de la propagande, en disant que le peuple avait besoin d’être ému pour être entraîné, et qu’il aurait fallu aussi composer des chansons pieuses, amusantes pourtant, qu’on aurait chantées dans les ateliers. Quant à monseigneur Bergerot, sans examiner le livre au point de vue du dogme, il fut touché profondément du souffle ardent de charité qui sortait de chaque page, il commit même l’imprudence d’écrire une lettre approbative à l’auteur, en l’autorisant à la mettre comme préface en tête de l’œuvre. Et c’était cette œuvre publiée en juin, que la congrégation de l’Index allait frapper d’interdiction, c’était pour la défense de cette œuvre que le jeune prêtre venait d’accourir à Rome, plein de surprise et d’enthousiasme, tout enflammé du désir de faire triompher sa foi, résolu à plaider sa