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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/231

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dans la stupeur émerveillée où une telle œuvre le jetait. Mais quelle exaltation du corps humain, de sa beauté, de sa puissance et de sa grâce ! Ah ! ce Jéhova, ce royal vieillard, terrible et paternel, emporté dans l'ouragan de sa création, les bras élargis, enfantant les mondes ! et cet Adam superbe, d’une ligne si noble, la main tendue, et que Jéhova anime du doigt, sans le toucher, geste admirable, espace sacré entre ce doigt du créateur et celui de la créature, petit espace où tient l’infini de l’invisible et du mystère ! et cette Ève puissante et adorable, cette Ève aux flancs solides, capables de porter la future humanité, d’une grâce fière et tendre de femme qui voudra être aimée jusqu’à la perdition, toute la femme avec sa séduction, sa fécondité, son empire ! Puis, c’étaient même les figures décoratives, assises sur les pilastres, aux quatre coins des fresques, qui célébraient le triomphe de la chair : les vingt jeunes hommes, heureux d’être nus, d’une splendeur de torse et de membres incomparable, d’une intensité de vie telle, qu’une folie du mouvement les emporte, les plie et les renverse, en des attitudes de héros. Et, entre les fenêtres, trônaient les géants, les Prophètes et les Sibylles, l’homme et la femme devenus dieux, démesurés dans la force de la musculature et dans la grandeur de l’expression intellectuelle : Jérémie, le coude appuyé sur le genou, la mâchoire dans la main, réfléchissant, au fond même de la vision et du rêve ; la Sibylle d’Érythrée, au profil si pur, si jeune en son opulence, un doigt sur le livre ouvert du destin ; Isaïe, à l’épaisse bouche de vérité, toute gonflée sous le charbon ardent, hautain, la face tournée à demi et une main levée, en un geste de commandement ; la Sibylle de Cumes, terrifiante de science et de vieillesse, restée d’une solidité de roc, avec son masque ridé, son nez de proie, son menton carré qui avance et s’obstine ; Jonas, vomi par la baleine, lancé là en un raccourci extraordinaire, le torse tordu, les bras repliés, la tête renversée, la bouche grande