Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

après s’être acquitté d’un message près de Narcisse, le saluait profondément.

Le jeune homme se rapprocha du prêtre, l’air très contrarié.

— Mon cousin, monsignor Gamba del Zoppo, me fait dire qu’il ne pourra nous recevoir ce matin. Il est pris, paraît-il, par un service inattendu.

Mais son embarras laissait voir qu’il ne croyait guère à cette excuse et qu’il commençait à soupçonner son parent de trembler de se compromettre, averti, terrifié sans doute par quelque bonne âme. Cela l’indignait d’ailleurs, obligeant et fort brave. Il finit par sourire, il ajouta :

— Écoutez, il y a peut-être un moyen de forcer les portes… Si vous pouvez disposer de votre après-midi, nous allons déjeuner ensemble, puis nous reviendrons visiter le Musée des Antiques ; et je finirai bien par rejoindre mon cousin, sans compter l’heureuse chance que nous avons de rencontrer le pape lui-même, s’il descend aux jardins.

Pierre, d’abord, à l’annonce de l’audience encore reculée, avait éprouvé le plus vif désappointement. Aussi, libre de sa journée entière, accepta-t-il très volontiers l’offre.

— Vous êtes trop aimable, et je ne crains que d’abuser… Merci mille fois.

Ils déjeunèrent en face de Saint-Pierre même, dans un petit restaurant du Borgo, dont les pèlerins faisaient l’ordinaire clientèle. On y mangeait fort mal, du reste. Puis, vers deux heures, ils firent le tour de la basilique, par la place de la Sacristie et par la place Sainte-Marthe, pour gagner, derrière, l’entrée du Musée. C’était un quartier clair, désert et brûlant, où le jeune prêtre retrouva, décuplée, la sensation de majesté nue et fauve, comme cuite au soleil, qu’il avait eue en regardant la cour Saint-Damase. Mais surtout, quand il contourna l’abside géante du colosse, il en comprit davantage l’énormité,