la fin de tout, car, depuis, Rome est sortie peu à peu de la vie, s’est éliminée davantage chaque jour du monde moderne, comme si, elle qui a toujours vécu des autres cités, se mourait de ne pouvoir plus leur rien prendre, pour s’en faire encore de la gloire.
— Le Bernin, ah ! le délicieux Bernin, continua à demi-voix Narcisse, de son air pâmé. Il est puissant et exquis, une verve toujours prête, une ingéniosité sans cesse en éveil, une fécondité pleine de grâce et de magnificence !… Leur Bramante, leur Bramante ! avec son chef-d’œuvre, sa correcte et froide Chancellerie, eh bien ! disons qu’il a été le Michel-Ange et le Raphaël de l’architecture, et n’en parlons plus !… Mais le Bernin, le Bernin exquis, dont le prétendu mauvais goût est fait de plus de délicatesse, de plus de raffinement, que les autres n’ont mis de génie dans la perfection et l’énormité ! L’âme du Bernin, variée et profonde, où tout notre âge devrait se retrouver, d’un maniérisme si triomphal, d’une recherche de l’artificiel si troublante si dégagée des bassesses de la réalité !… Allez donc voir, à la Villa Borghèse, le groupe d’Apollon et Daphné, qu’il fit à dix-huit ans, et surtout allez voir sa Sainte Thérèse en extase, à Sainte-Marie de la Victoire. Ah ! cette Sainte Thérèse ! Le ciel ouvert, le frisson que la jouissance divine peut mettre dans le corps de la femme, la volupté de la foi poussée jusqu’au spasme, la créature perdant le souffle, mourant de plaisir aux bras de son Dieu !… J’ai passé devant elle des heures et des heures, sans jamais épuiser l’infini précieux et dévorant du symbole.
Sa voix mourut, et Pierre, qui ne s’étonnait plus de sa haine sourde, inconsciente, contre la santé, la simplicité et la force, l’écoutait à peine, était lui-même tout à l’idée dont il se sentait de plus en plus envahi : la Rome païenne ressuscitant dans la Rome chrétienne, faisant d’elle la Rome catholique, le nouveau centre politique, hiérarchisé et dominateur du gouvernement des peuples. Avait-