Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/247

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Ange : le sexe flamboie, la vie déborde, la semence circule à torrents dans les veines du monde. Près de là, dans la Bibliothèque Vaticane, d’une incomparable richesse, où dort toute la science humaine, ce serait un danger plus terrible encore, une explosion qui emporterait le Vatican et même Saint-Pierre, si, un jour, les livres se réveillaient à leur tour, parlaient haut, comme parlaient la beauté des Vénus et la virilité des Apollons. Mais le blanc vieillard, si diaphane, semble ne pas entendre, ne pas voir, et les têtes colossales de Jupiter, et les torses d’Hercule, et les Antinoüs aux hanches équivoques, continuent à le regarder passer.

Impatient, Narcisse se décida à questionner un gardien, qui lui assura que Sa Sainteté était descendue déjà. Le plus souvent, en effet, pour raccourcir, on passait par une petite galerie couverte, qui débouchait devant la Monnaie.

— Descendons aussi, voulez-vous ? demanda-t-il à Pierre. Je vais tâcher de vous faire visiter les jardins.

En bas, dans le vestibule, dont une porte ouvrait sur une large allée, il se remit à causer avec un autre gardien, un ancien soldat pontifical, qu’il connaissait particulièrement. Tout de suite, celui-ci le laissa passer avec son compagnon ; mais il ne put lui affirmer que monsignor Gamba del Zoppo, ce jour-là, accompagnait Sa Sainteté.

— N’importe, reprit Narcisse, quand ils se trouvèrent tous les deux seuls dans l’allée, je ne désespère pas encore d’une heureuse rencontre… Et vous voyez, voici les fameux jardins du Vatican.

Ils sont très vastes, le pape peut y faire quatre kilomètres, par les allées du bois, puis en passant par la vigne et par le potager. Ces jardins occupent le plateau de la colline Vaticane, que l’antique mur de Léon IV entoure encore de toute part, ce qui les isole des vallons voisins, comme au sommet d’une enceinte de forteresse. Autrefois, le mur allait jusqu’au Château Saint-Ange ; et c’était là