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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/25

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par échappées immenses, nue et majestueuse, tel qu’un désert de mort, d’un vert glauque de mer stagnante ; et il finit par distinguer la tour basse et ronde du tombeau de Cæcilia Metella, derrière lequel une mince ligne pâle indiquait l’antique voie Appienne. Des débris d’aqueducs semaient l’herbe rase, dans la poussière des mondes écroulés. Et il ramenait ses regards, et c’était la ville de nouveau, le pêle-mêle des édifices, au petit bonheur de la rencontre. Ici, tout près, il reconnaissait, à sa loggia tournée vers le fleuve, l’énorme cube fauve du palais Farnèse. Plus loin, cette coupole basse, à peine visible, devait être celle du Panthéon. Puis, par sauts brusques, c’étaient les murs reblanchis de Saint-Paul-hors-les-Murs, pareils à ceux d’une grange colossale, les statues qui couronnent Saint-Jean-de-Latran, légères, à peine grosses comme des insectes ; puis, le pullulement des dômes, celui du Gesù, celui de Saint-Charles, celui de Saint-André-de-la-Vallée, celui de Saint-Jean-des-Florentins ; puis tant d’autres édifices encore, resplendissants de souvenirs, le château Saint-Ange dont la statue étincelait, la villa Médicis qui dominait la ville entière, la terrasse du Pincio où blanchissaient des marbres parmi des arbres rares, les grands ombrages de la villa Borghèse, au loin, fermant l’horizon de leurs cimes vertes. Vainement il chercha le Colisée. Le petit vent du nord qui soufflait, très doux, commençait pourtant à dissiper les buées matinales. Sur les lointains vaporeux, des quartiers entiers se dégageaient avec vigueur, tels que des promontoires, dans une mer ensoleillée. Çà et là, parmi l’amoncellement indistinct des maisons, un pan de muraille blanche éclatait, une rangée de vitres jetait des flammes, un jardin étalait une tache noire, d’une puissance de coloration surprenante. Et le reste, le pêle-mêle des rues, des places, les îlots sans fin, semés en tous sens, s’emmêlaient s’effaçaient dans la gloire vivante du soleil, tandis que de hautes fumées blanches,