Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

baron de Fouras, un homme d’une cinquantaine d’années, très grand, très gros, très blond, qui s’agitait, se dépensait, donnait des ordres, comme un général au matin d’une victoire décisive. Puis, au milieu de la masse grise et neutre des vêtements, éclatait çà et là la soie violette d’un évêque, chaque pasteur ayant voulu rester avec son troupeau ; tandis que des réguliers, des pères supérieurs, en robes brunes, noires, blanches, dominaient, de toutes leurs hautes têtes barbues ou rasées. À droite et à gauche, flottaient des bannières, que des associations, des congrégations apportaient en cadeau au pape. Et la houle montait, et un bruit de mer s’enflait toujours, un tel amour impatient s’exhalait des faces en sueur, des yeux brûlants, des bouches affamées, que l’air s’en trouvait comme épaissi et obscurci, dans l’odeur lourde de ce peuple entassé.

Mais, brusquement, Pierre aperçut près du trône monsignor Nani, qui, l’ayant reconnu de loin, lui faisait des signes pour qu’il s’avançât ; et, comme il répondait d’un geste modeste, signifiant qu’il préférait rester où il était, le prélat s’entêta quand même, lui envoya un huissier, avec l’ordre de lui ouvrir un chemin. Enfin, lorsque l’huissier le lui eut amené :

— Pourquoi donc ne veniez-vous pas occuper votre place ? Votre carte vous donne droit à être ici, à la gauche du trône.

— Ma foi, répondit le prêtre, il y avait tant de monde à déranger, que je n’ai pas voulu. Et puis, c’est bien de l’honneur pour moi.

— Non, non ! je vous ai donné cette place, afin que vous l’occupiez. Je désire que vous soyez au premier rang, pour bien voir, pour ne rien perdre de la cérémonie.

Pierre ne put que le remercier. Il vit alors que plusieurs cardinaux et beaucoup de prélats de la famille pontificale attendaient, eux aussi, aux deux côtés du trône. Vainement,