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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/366

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craquer les plafonds. Victorine continuait à chuchoter des recommandations, tandis que Pierre, de peur de glisser au bord des pierres luisantes, déployait une force exagérée, qui l’essoufflait. De grandes ombres folles dansaient le long des piliers, des vastes murailles nues, jusqu’à la haute voûte, décorée de caissons. Il fallut faire une halte, tant l’étage paraissait interminable. Puis, la lente marche fut reprise.

Heureusement, l’appartement de Dario, composé de trois pièces, une chambre, un cabinet de toilette et un salon, se trouvait au premier, à la suite de celui du cardinal, dans l’aile qui donnait sur le Tibre. Ils n’avaient plus qu’à suivre la galerie en étouffant le bruit de leurs pas ; et, enfin, ils eurent le soulagement de coucher le blessé sur son lit.

Victorine en eut un léger rire de satisfaction.

— C’est fait !… Débarrassez-vous donc de la lampe, contessina. Tenez ! ici, sur cette table… Et je vous réponds bien que personne ne nous a entendus ; d’autant plus que c’est une vraie chance que donna Serafina soit sortie et que Son Éminence ait gardé don Vigilio avec elle, les portes closes… J’avais enveloppé les épaules dans ma jupe, pas une goutte de sang n’a dû tomber ; et, tout à l’heure, je donnerai moi-même un coup d’éponge, en bas.

Elle s’interrompit, alla regarder Dario, puis vivement :

— Il respire… Alors, je vous laisse là tous les deux pour le garder, et moi je cours chercher le bon docteur Giordano, qui vous a vue naître, contessina, et qui est un homme sûr.

Quand ils furent seuls, en face du blessé évanoui, dans cette chambre à demi obscure, où semblait frissonner maintenant tout l’affreux cauchemar qui était en eux, Benedetta et Pierre restèrent aux deux côtés du lit, sans trouver encore un mot à se dire. Elle avait ouvert les bras, s’était tordu les mains, avec un gémissement sourd,