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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/368

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ténèbres, sans qu’il pût le reconnaître, elle eut un cri terrible.

— C’est Prada, c’est Prada, dis-le, puisque je le sais !

Elle délirait.

— Je le sais, entends-tu ! Je n’ai pas été à lui, il ne veut pas que nous soyons l’un à l’autre, et il te tuera plutôt, le jour où je serai libre de me donner à toi. Je le connais bien, jamais je ne serai heureuse… C’est Prada, c’est Prada !

Mais une brusque énergie avait soulevé le blessé, et il protestait loyalement.

— Non, non ! ce n’est pas Prada, et ce n’est pas un homme travaillant pour lui… Ça, je te le jure. Je n’ai pas reconnu l’homme, mais ce n’est pas Prada, non, non !

Dario avait un tel accent de vérité, que Benedetta dut être convaincue. D’ailleurs, elle fut reprise d’épouvante, elle sentit la main qu’elle tenait mollir dans la sienne, redevenir moite et inerte, comme si elle se glaçait. Épuisé par l’effort qu’il venait de faire, il était retombé, la face de nouveau toute blanche, les yeux clos, évanoui. Et il semblait mourir. Éperdue, elle le toucha de ses mains tâtonnantes.

— Monsieur l’abbé, voyez donc, voyez donc… Mais il se meurt ! mais il se meurt ! le voici déjà tout froid… Ah ! grand Dieu, il se meurt !

Pierre, qu’elle bouleversait avec ses cris, s’efforça de la rassurer.

— Il a trop parlé, il a perdu connaissance, comme tout à l’heure… Je vous assure que je sens son cœur battre. Tenez ! mettez votre main… De grâce, ne vous affolez pas, le médecin va venir, tout ira très bien.

Et elle ne l’écoutait pas, et il assista alors à une scène extraordinaire qui l’emplit de surprise. Brusquement, elle s’était jetée sur le corps de l’homme adoré, elle le serrait d’une étreinte frénétique, elle le baignait de