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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/372

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Dans cette paix monotone qui se refaisait, il n’y eut qu’une secousse dernière, une menace de trouble plutôt, à laquelle Pierre fut mêlé, un soir qu’il s’attardait près du convalescent.

Comme Benedetta s’était absentée quelques minutes, Victorine, qui avait monté un bouillon, se pencha en reprenant la tasse, pour dire très bas au prince :

— Monsieur, c’est une jeune fille, vous savez, la Pierina, qui vient tous les jours en pleurant demander de vos nouvelles… Je ne puis la renvoyer, elle rôde, et j’aime mieux vous prévenir.

Malgré lui, Pierre avait entendu ; et il eut une brusque certitude, il comprit tout d’un coup. Dario, qui le regardait, vit bien ce qu’il pensait. Aussi, sans répondre à Victorine :

— Eh ! oui, l’abbé, c’est cette brute de Tito… Je vous demande un peu ! est-ce assez bête ?

Mais, bien qu’il se défendît d’avoir rien fait, pour que le frère lui donnât l’avertissement de ne pas toucher à sa sœur, il souriait d’un air d’embarras, très ennuyé, un peu honteux même d’une pareille histoire. Et il fut évidemment soulagé, lorsque le prêtre promit de voir la jeune fille, si elle revenait, et de lui faire comprendre qu’elle devait rester chez elle.

— Une aventure stupide, stupide ! répétait le prince en exagérant sa colère, comme pour se railler lui-même. Vraiment, c’est d’un autre siècle.

Brusquement, il se tut. Benedetta rentrait. Elle revint s’asseoir près de son cher malade. Et la douce veillée continua, dans la vieille chambre assoupie, dans le vieux palais mort, d’où ne montait pas un souffle.

Pierre, quand il sortit de nouveau, ne se hasarda d’abord que dans le quartier, pour prendre l’air un instant. Cette rue Giulia l’intéressait, il savait son ancienne splendeur, au temps de Jules II, qui la rectifia et la rêva bordée de palais splendides. Pendant le carnaval, des courses y