Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/469

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Il le questionna sans attendre, avec une apparence d’affection extraordinaire.

— Où en êtes-vous ? Racontez-moi ça, dites-moi bien tout ce que vous avez fait.

Pierre, touché malgré les confidences de don Vigilio, gagné par la sympathie qu’il croyait sentir, se confessa sans rien omettre. Il dit ses visites au cardinal Sarno, à monsignor Fornaro, au père Dangelis ; il conta ses autres démarches près des cardinaux influents, tous ceux de l’Index, et le Grand Pénitencier, et le cardinal vicaire, et le cardinal secrétaire ; il insista sur ses courses sans fin d’une porte à une autre, à travers tout le clergé de Rome, à travers toutes les congrégations, dans cette immense ruche active et silencieuse, où il s’était lassé les pieds, brisé les membres, hébété le cerveau.

Et monsignor Nani, qui semblait l’écouter d’un air de ravissement, s’exclamait, répétait à chaque station de ce calvaire du solliciteur :

— Mais c’est très bien ! mais c’est parfait ! Oh ! votre affaire marche ! À merveille, à merveille, elle marche !

Il exultait, sans laisser percer, d’ailleurs, aucune ironie malséante. Il n’avait que son joli regard d’enquête, qui fouillait le jeune prêtre, pour savoir s’il l’avait enfin amené au point d’obéissance où il le désirait. Était-il assez las, assez désillusionné, assez renseigné sur la réalité des choses, pour qu’on pût en finir avec lui ? Trois mois de Rome avaient-ils suffi pour faire un sage, un résigné au moins, de l’enthousiaste un peu fou du premier jour ?

Brusquement, monsignor Nani demanda :

— Mais, mon cher fils, vous ne me parlez pas de Son Éminence le cardinal Sanguinetti.

— Monseigneur, c’est que Son Éminence est à Frascati, je n’ai pu la voir.

Alors, le prélat, comme s’il eût reculé encore le dénouement, avec une secrète jouissance de diplomate artiste