Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/508

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homme, un sourd besoin d’examiner la chose au point de vue de son intérêt personnel, avant de prendre un parti. Honnête homme, il l’était, il n’allait sûrement pas laisser empoisonner les gens.

Pierre, pitoyable aux bêtes, regardait la poule avec la petite émotion que lui causait la brusque suppression de toute vie. Et il accepta très naturellement l’histoire.

— Ah ! ces poules, elles sont entre elles d’une férocité imbécile que les hommes ont à peine égalée ! J’avais un poulailler chez moi, et une d’elles ne pouvait se blesser à la patte, sans que toutes les autres, en voyant perler le sang, vinssent la piquer et la manger jusqu’à l’os.

Tout de suite, Prada s’éloigna ; et, justement, la femme le cherchait de son côté, pour lui remettre quatre œufs, qu’elle avait dénichés à grand'peine, dans les coins de la maison. Il se hâta de les payer, rappela Pierre qui s’attardait.

— Dépêchons, dépêchons ! Maintenant, nous ne serons plus à Rome qu’à la nuit noire.

Dans la voiture, ils retrouvèrent Santobono, qui attendait tranquillement. Il avait repris sa place sur le strapontin, l’échine fortement appuyée contre le siège du cocher, ses grandes jambes ramenées sous lui ; et il tenait de nouveau, sur ses genoux, le petit panier de figues, si coquettement arrangé, qu’il protégeait de ses grosses mains noueuses, comme une chose rare et fragile, que le moindre cahot des roues aurait pu endommager. Sa soutane faisait une grande tache sombre. Dans sa face épaisse et terreuse de paysan resté près de la sauvage terre, mal dégrossi par ses quelques années d’études théologiques, ses yeux seuls semblaient vivre, d’une flamme noire, dévorante de passion.

En l’apercevant si carrément installé, si calme, Prada avait eu un petit frisson. Puis, dès que la victoria se fut remise à rouler, par la route toute droite et sans fin :

— Eh bien ! l’abbé, voilà un coup de vin qui va nous