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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/512

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heures Et puis, ce n’est pas pour ce soir, les figues ! On ne mange pas de figues le soir. Ce sera pour demain matin.

Il retomba dans son silence, il ne parla plus.

— Pour demain matin, oui, oui ! sans doute, répéta Prada. Et le cardinal pourra vraiment s’en régaler, si personne ne l’aide.

Pierre, étourdiment, donna alors une nouvelle qu’il savait.

— Il sera sans doute seul à les manger, car son neveu, le prince Dario, a dû partir aujourd’hui pour Naples, un petit voyage de convalescence, après l’accident qui l’a tenu au lit pendant un grand mois.

Brusquement, il s’arrêta, en songeant à qui il parlait. Mais le comte avait remarqué sa gêne.

— Allez, allez, mon cher monsieur Froment, vous ne me faites aucune peine. C’est déjà très ancien… Et il est parti, ce jeune homme, dites-vous ?

— Oui, à moins qu’il n’ait remis son départ. Je m’attends à ne pas le retrouver au palais.

Pendant un instant, on n’entendit plus, de nouveau, que le roulement continu des roues. Et Prada se taisait, repris de trouble, rendu au malaise de son incertitude. Si pourtant Dario n’était pas là, de quoi allait-il se mêler ? Toutes ces réflexions lui fatiguaient le crâne, et il finit par penser tout haut.

— S’il s’en est allé, ce doit être par convenance, afin de ne pas assister à la soirée des Buongiovanni, car la congrégation du Concile s’est réunie ce matin pour se prononcer définitivement, dans le procès que la comtesse m’a intenté… Oui, tout à l’heure, je saurai si l’annulation de notre mariage sera signée par le Saint-Père.

Sa voix était devenue un peu rauque, on sentait la vieille blessure se rouvrir et saigner, la plaie faite à son orgueil d’homme par cette femme qui était sienne et qui s’était refusée, en se réservant pour un autre. Son amie