Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/527

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Dès que Nani aperçut le prêtre et son compagnon, il vint à eux ; et, tous trois, ils gagnèrent l’embrasure d’une fenêtre, pour causer un instant à l’aise. Le prélat souriait, l’air enchanté de la beauté de la fête, mais gardant la sérénité d’une âme triplement cuirassée d’innocence, au milieu de toutes ces épaules étalées, comme s’il ne les avait pas même vues.

— Ah ! mon cher fils, dit-il à Pierre, que je suis heureux de vous rencontrer !… Eh bien ! que dites-vous de notre Rome, quand elle se mêle de donner des fêtes ?

— Mais c’est superbe, monseigneur !

Il parlait avec attendrissement de la haute piété de Celia, il affectait de ne voir chez le prince et la princesse que des fidèles du Vatican, pour faire honneur à ce dernier de ce gala fastueux, sans paraître même savoir que le roi et la reine allaient venir. Puis, soudain :

— J’ai pensé à vous toute la journée, mon cher fils. Oui, j’avais appris que vous étiez allé voir Son Éminence le cardinal Sanguinetti, pour votre affaire… Voyons, comment vous a-t-il reçu ?

— Oh ! très paternellement… D’abord, il m’a fait entendre l’embarras où le mettait sa situation de protecteur de Lourdes. Mais, comme je partais, il s’est montré charmant, il m’a formellement promis son aide, avec une délicatesse dont j’ai été très touché.

— Vraiment, mon cher fils ! Du reste, vous ne m’étonnez pas, Son Excellence est si bonne !

— Et, monseigneur, je dois ajouter que je suis revenu le cœur léger, plein d’espérance. Désormais, il me semble que mon procès est à moitié gagné.

— C’est bien naturel, je comprends cela.

Nani souriait toujours, de son fin sourire d’intelligence, aiguisé d’une pointe d’ironie, si discrète, qu’on n’en sentait pas la piqûre. Après un court silence, il ajouta très simplement :

— Le malheur est que votre livre a été condamné,