Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/542

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

marche royale fût finie, il n’y avait encore, au milieu de la sonorité des instruments et de l’éclat des lampes, que des saluts, des regards, des sourires ; pendant que tous les invités, debout, se poussaient, se haussaient, le cou tendu, les yeux luisants, un flux montant de têtes et d’épaules, étincelantes de pierreries.

Enfin, l’orchestre se tut, les présentations eurent lieu. Leurs Majestés, qui connaissaient d’ailleurs Celia, la félicitèrent avec une bonté toute paternelle. Mais Sacco, comme ministre autant que comme père, tenait surtout à présenter son fils Attilio. Il courba sa souple échine de petit homme, trouva les belles paroles qui convenaient, si bien que ce fut le lieutenant qu’il fit s’incliner devant le roi, tandis qu’il réservait pour la reine l’hommage du beau garçon, si passionnément aimé. De nouveau, Leurs Majestés se montrèrent d’une bienveillance extrême, même pour madame Sacco, toujours modeste et prudente, qui s’effaçait. Et il se produisit ensuite un fait, dont le récit, colporté de salon en salon, allait y soulever des commentaires sans fin. Apercevant Benedetta, que le comte Prada lui avait amenée après son mariage, la reine lui sourit, ayant conçu pour sa beauté et pour son charme une admiration tendre ; de sorte que, forcée de s’approcher, la jeune femme eut l’insigne faveur d’une conversation de quelques minutes, accompagnée des plus aimables paroles, que toutes les oreilles voisines purent entendre. Certainement, la reine ignorait l’événement du jour, le mariage avec Prada annulé, l’union prochaine avec Dario annoncée publiquement, dans ce gala qui fêtait désormais de doubles fiançailles. Mais l’impression n’en était pas moins produite, on ne parla plus que de ces compliments adressés à Benedetta par la plus vertueuse et la plus intelligente des reines, et son triomphe en fut accru, elle en devint plus belle, plus fière, plus victorieuse, dans ce bonheur d’être enfin à l’époux choisi, qui la faisait rayonner.