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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/604

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n’y apercevait même plus les cinq ou six voitures qui attendaient, les chevaux figés, les cochers raidis sur leurs sièges. C’était une solitude, un vaste carré nu et pâle, d’un sommeil sépulcral, sous la lumière morne de lanternes, dont les réverbérations blanchissaient les hauts vitrages des trois façades. Et, un peu inquiet, gagné par le petit frisson du vide et du silence, il se hâta, il se dirigea, à droite, vers le perron, abrité d’une marquise, dont les quelques degrés mènent à l’escalier des appartements.

Là, debout, se tenait un gendarme superbe, en grand uniforme.

— Monsieur Squadra.

D’un simple geste, sans une parole, le gendarme montra l’escalier.

Pierre monta. C’était un escalier très large, à la rampe de marbre blanc, aux marches basses, aux murs enduits d’un stuc jaunâtre. Dans les globes de verre dépoli, les becs de gaz semblaient avoir été baissés déjà, par une économie sage. Et, sous cette clarté de veilleuse, rien n’était d’une solennité plus triste que cette majestueuse nudité, si blême et si froide. À chaque palier, un garde suisse veillait encore, avec sa hallebarde ; et, dans le lourd sommeil qui prenait le palais, on n’entendait plus que les pas réguliers de ces hommes, allant et venant toujours, sans doute pour ne pas succomber à l’engourdissement des choses.

Au travers de cette ombre envahissante, parmi le grand silence frissonnant, la montée paraissait interminable. Chaque étage se coupait en tronçons, encore un, encore un, encore un. Quand il arriva enfin au palier du deuxième étage, il s’imaginait qu’il montait depuis cent ans. Devant la porte vitrée de la salle Clémentine, dont le battant de droite était seul ouvert, un dernier garde suisse veillait.

— Monsieur Squadra.