plus profond, comme si, autour de lui, tout le néant noir du Vatican colossal, tombe au sommeil, fût monté à cet étage, dans cette enfilade de salles désertes, somptueuses et mortes où brûlaient les petites flammes immobiles des lampes.
Neuf heures sonnèrent à l’horloge d’ébène, et il s’étonna. Comment ! dix minutes seulement s’étaient écoulées, depuis qu’il avait franchi la porte de bronze ? Il aurait cru qu’il marchait depuis des jours et des jours. Alors, il voulut combattre cette oppression nerveuse qui l’étranglait, car jamais il n’était sûr de lui-même, il craignait toujours de voir son calme, sa raison sombrer dans une crise de larmes. Il marcha, passa devant l’horloge, donna un coup d’œil au crucifix de la console, regarda le globe de la lampe, où les doigts gras d’un domestique avaient laissé leur empreinte. Elle éclairait d’une lueur si jaune et si faible, qu’il eut envie de la remonter ; mais il n’osa pas. Puis, il se trouva debout, le front contre une vitre, devant la fenêtre qui donnait sur la place Saint-Pierre. Et il eut une minute de saisissement, Rome immense s’étendait, dans l’entre-bâillement des persiennes mal fermées Rome telle qu’il l’avait déjà vue des Loges de Raphaël, telle qu’il l’avait reconstruite, le jour où, du petit restaurant de la place, il s’était imaginé voir Léon XIII à la fenêtre de sa chambre. Seulement, c’était la Rome de nuit, la Rome élargie encore au fond des ténèbres, sans bornes comme le ciel étoilé. Dans cette mer illimitée, aux vagues noires, on ne reconnaissait sûrement que les grandes voies, changées en voies lactées par les blancheurs vives de l’éclairage électrique : le cours Victor-Emmanuel, puis la rue Nationale, ensuite le Corso qui les coupait à angle droit, coupé lui-même par la rue du Triton, que continuait la rue San Nicolà da Tolentino, laquelle était reliée à la Gare par la lointaine lueur de la place des Thermes. De l’autre côté du cours Victor-Emmanuel et de la rue Nationale, vers la Rome antique, quelques places,