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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/623

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— Oui, Saint-Père.

— Vous êtes attaché à une des grandes paroisses de la ville ?

— Non, Saint-Père, je ne suis desservant qu’à la petite église de Neuilly.

— Ah ! oui, oui, je sais, c’est du côté du bois de Boulogne, n’est-ce pas ?… Et quel est votre âge, mon fils ?

— Trente-quatre ans, Saint-Père.

Il y eut un court silence. Léon XIII avait fini par baisser les yeux. Il reprit de sa frêle main d’ivoire, le verre de sirop, le tourna avec la longue cuiller, but une gorgée. Et cela doucement, d’un air prudent et raisonné, comme tout ce qu’il devait penser et faire.

— J’ai lu votre livre, mon fils, oui ! en grande partie. D’habitude, on ne me soumet que des fragments. Mais quelqu’un qui s’intéresse à vous m’a remis directement le volume, en me suppliant de le parcourir. C’est ainsi que j’ai pu en prendre connaissance.

Et il eut un petit geste, dans lequel Pierre crut voir une protestation contre l’isolement où le tenait son entourage, cet exécrable entourage qui faisait bonne garde pour que rien d’inquiétant n’entrât du dehors, selon le mot de monsignor Nani lui-même.

— Je remercie Votre Sainteté du très grand honneur qu’elle a daigné me faire, se permit alors de dire le prêtre. Il ne pouvait pas m’arriver de bonheur plus haut ni plus ardemment souhaité.

Il était si heureux ! Il s’imagina que sa cause était gagnée, en voyant le pape très calme, sans colère, lui parler de son livre sur ce ton, en homme qui le connaissait à fond maintenant.

— N’est-ce pas ? mon fils, vous êtes en relation avec monsieur le vicomte Philibert de la Choue. J’ai d’abord été frappé de la ressemblance de certaines de vos idées avec celles de ce très dévoué serviteur, qui nous a donné d’autre part des preuves précieuses de son bon esprit.