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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/649

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Et toujours pas une âme, pas un bruit, pas un souffle. Dans chaque pièce vide, l’unique lampe, solitaire et comme oubliée, charbonnait, brûlait plus pâle dans plus de silence. Le désert semblait s’être élargi, à mesure que la nuit avançait, noyant d’ombre les rares meubles, épars sous les hauts plafonds dorés, les trônes, les escabeaux de bois, les consoles, les crucifix, les candélabres, qui se répétaient à chaque salle nouvelle. Et ce fut ainsi, après l’antichambre d’honneur dont le damas rougeoyait, la salle des gardes-nobles endormie dans une légère odeur d’encens, qu’une messe dite le matin y avait laissée ; ce furent la salle des Tapisseries, la salle de la garde palatine, la salle des gendarmes ; et, dans la salle des bussolanti, qui suivait, le dernier domestique de service, resté sur la banquette, s’y était assoupi d’un si bon sommeil, qu’il ne s’éveilla point. Les pas sonnaient faiblement sur les dalles, étouffés dans l’air morne de ce palais clos, muré de partout ainsi qu’une tombe, envahi à cette heure tardive d’un néant qui le submergeait. Enfin, ce fut la salle Clémentine, que le poste de la garde suisse venait de quitter.

Jusqu’à cette salle, monsieur Squadra n’avait pas tourné la tête. Toujours muet, sans un geste, il s’effaça, laissa passer Pierre, qu’il salua d’une dernière révérence. Ensuite, il disparut.

Et Pierre descendit les deux étages de l’escalier monumental, que les globes dépolis des becs de gaz éclairaient d’une lueur de veilleuse, dans un accablement extraordinaire du silence, depuis que les pas des gardes suisses en faction ne retentissaient plus sur les paliers. Et il traversa la cour Saint-Damase, vide et morte, sous la pâle clarté des lanternes du perron, descendit la scala Pia, l’autre escalier géant, aussi vide, aussi mort dans sa demi-obscurité, franchit enfin la porte de bronze, qu’un portier, derrière lui, roula et ferma d’une poussée lente. Et quel grondement, quel cri farouche de dur métal, sur