Et, par cette sombre matinée d’hiver, ces salles apparaissaient plus mornes, plus délabrées, les tentures en lambeaux, les rares meubles ternis de poussière, les vieilles boiseries s’émiettant sous le continu travail des vers, les plafonds seuls gardant leur fastueuse envolée de dorures et de peintures triomphales.
Mais Pierre, que l’abbé Paparelli venait de saluer profondément, d’une manière exagérée, où se sentait l’ironie d’une sorte de congé donné à un vaincu, était surtout saisi par la grandeur triste de ces trois vastes salles en ruine, qui conduisaient, ce jour-là, à cette salle du trône transformée en salle de mort, dans laquelle dormaient les deux derniers enfants de la maison. Quel gala superbe et désolé de la mort, toutes les larges portes ouvertes, tout le vide de ces pièces trop grandes, dépeuplées de leurs anciennes foules, aboutissant au deuil suprême de la fin d’une race ! Le cardinal s’était enfermé dans son petit cabinet de travail, où il recevait les membres de la famille, les intimes qui tenaient à lui présenter leurs condoléances ; tandis que donna Serafina, de son côté, avait choisi une chambre voisine, pour y attendre les dames amies, dont le défilé allait durer jusqu’au soir. Et Pierre, que Victorine avait renseigné sur ce cérémonial, dut se décider à entrer directement dans la salle du trône, de nouveau salué par une grande révérence de don Vigilio, pâle et muet, qui sembla même ne pas le reconnaître.
Une surprise attendait le prêtre. Il s’était imaginé une chapelle ardente, la nuit complètement faite, des centaines de cierges brûlant autour d’un catafalque, au milieu de la salle tendue de draperies noires. On lui avait dit que l’exposition se faisait là, parce que l’antique chapelle du palais, située au rez-de-chaussée, était fermée depuis cinquante ans, hors d’usage, et que la petite chapelle privée du cardinal se trouvait trop étroite pour une pareille cérémonie. Aussi avait-il fallu improviser un autel dans la salle du trône, où les messes se succédaient depuis le matin.