Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/660

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lit funèbre. Elle n’avait pu aller aux humbles, aux souffrants de ce monde, elle venait d’expirer dans le cri impuissant de sa passion égoïste, quand il était trop tard pour aimer et enfanter. Jamais plus elle ne ferait d’enfants, la vieille maison romaine était vide désormais, stérile, sans réveil possible. Pierre, dont la chère morte laissait l’âme veuve, en deuil d’un si grand rêve, éprouvait une telle douleur à la voir ainsi immobile et glacée, qu’il se sentit défaillir. Était-ce le jour livide, étoilé par les taches jaunes des deux cierges, qui lui troublait la vue, le parfum des roses, alourdi dans l’air de mort, qui le grisait comme d’une ivresse, le sourd murmure continu de l’officiant en train d’achever sa messe, derrière lui, qui bourdonnait dans son crâne, en l’empêchant de retrouver ses prières ? Il craignit de tomber en travers de la marche, il se releva péniblement et s’écarta.

Puis, comme il se réfugiait au fond de l’embrasure d’une fenêtre, pour se remettre, il eut l’étonnement de rencontrer là Victorine, assise sur une banquette, qu’on y avait à demi dissimulée. Elle avait des ordres de donna Serafina, elle veillait de ce coin sur ses deux chers enfants, ainsi qu’elle les nommait, en ne quittant pas des yeux les personnes qui entraient et qui sortaient. Tout de suite, elle fit asseoir le jeune prêtre, lorsqu’elle le vit si pâle, près de s’évanouir.

— Ah ! dit-il très bas, lorsqu’il eut longuement respiré, qu’ils aient au moins la joie d’être ensemble ailleurs, de revivre une autre vie, dans un autre monde !

Elle haussa doucement les épaules, elle répondit à voix très basse, elle aussi :

— Oh ! revivre, monsieur l’abbé, pourquoi faire ? Quand on est mort, allez ! le mieux est encore d’être mort et de dormir. Les pauvres enfants ont eu assez de peines sur la terre, il ne faut pas leur souhaiter de recommencer ailleurs.

Ce mot si naïf et si profond d’illettrée incroyante fit