— La chère petite ! murmura encore Victorine, elle qui voulait que ses noces avec son Attilio se fissent en même temps que les noces des deux pauvres morts dont les amours maintenant reposent là ! Et ce sont eux qui l’ont devancée, elles sont faites, leurs noces, ils la dorment déjà, leur première nuit !
Tout de suite, Celia s’était agenouillée, avait fait le signe de la croix. Mais, visiblement, elle ne priait pas, elle regardait les deux chers amants, dans la stupeur désespérée de les retrouver si blancs, si froids, d’une beauté de marbre. Eh quoi ! quelques heures avaient suffi, la vie s’en était allée, jamais plus les lèvres ne se baiseraient ? Elle les revoyait encore, au milieu de ce bal de l’autre nuit, si éclatants, si triomphants de vivant amour ! Une protestation furieuse montait de son jeune cœur, ouvert à la vie, avide de joie et de soleil, en révolte contre l’imbécile mort. Et cette colère, cet effroi, cette douleur en face du néant, ou toute passion se glace, se lisaient sur son visage ingénu de lis candide et fermé. Jamais sa bouche d’innocence aux lèvres closes sur les dents blanches, jamais ses yeux d’eau de source, clairs et sans fond, n’avaient exprimé plus d’insondable mystère, la vie de passion qu’elle ignorait, où elle entrait, et qui se heurtait, dès le seuil, à ces deux morts tendrement aimés, dont la perte lui bouleversait l’âme.
Doucement, elle ferma les yeux, elle tâcha de prier, tandis que de grosses larmes, maintenant, coulaient de ses paupières abaissées. Un temps s’écoula, au milieu du silence frissonnant, que troublaient seuls les petits bruits de la messe voisine. Elle se leva enfin, se fit donner par la femme de chambre les deux gerbes de roses blanches, qu’elle voulait déposer elle-même sur le lit. Debout sur la marche, elle hésita, finit par les mettre à droite et à gauche du coussin où reposaient les deux têtes, comme si elle les eût couronnées de ces fleurs, les mêlant à leurs cheveux, embaumant leurs jeunes fronts de ce parfum