Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/668

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psalmodie latine reprit, tandis que, de la salle prochaine, venaient les coups de sonnette de l’élévation, dans l’indistinct bourdonnement de la messe d’à côté. Le parfum des fleurs augmentait, se faisait plus lourd, d’une caresse de vertige, au milieu de l’air immobile et morne de la vaste salle. Au fond, les domestiques, ainsi que pour une réception de gala, ne bougeaient point. Et, devant le lit de parade, que les deux cierges pâles étoilaient, le défilé de deuil continuait sans bruit, des femmes, des hommes, qui étouffaient là un instant, puis qui s’en allaient, en emportant l’inoubliable vision des deux amants tragiques, dormant leur éternel sommeil.

Pierre rejoignit Celia et la Pierina dans l’antichambre noble, où se tenait don Vigilio. On y avait apporté, en un coin, les quelques sièges de la salle du trône, et la petite princesse venait de forcer l’ouvrière à s’asseoir sur un fauteuil, pour qu’elle se remît un peu. Elle était en extase devant elle, ravie de la trouver si belle, plus belle que toutes, comme elle disait. Puis, elle reparla des deux chers morts qui lui avaient semblé bien beaux, eux aussi, d’une beauté superbe et douce, extraordinaire. Elle en restait transportée d’admiration, au milieu de ses larmes. En faisant causer la Pierina, le prêtre sut que Tito, son frère, était à l’hôpital, en grand danger, le flanc troué d’un coup de couteau terrible ; et la misère avait grandi, affreuse, aux Prés du Château, depuis le commencement de l’hiver. C’étaient pour tout le monde de grands chagrins, ceux que la mort emportait devaient se réjouir. Mais Celia, d’un geste d’invincible espoir, écartait la souffrance, la mort elle-même.

— Non, non, il faut vivre. Et, ma chère, ça suffit d’être belle pour vivre… Allons, ma chère, ne restez pas ici, ne pleurez plus, vivez pour la joie d’être belle.

Elle l’emmena, et Pierre demeura sur un des fauteuils, envahi d’une telle tristesse lasse, qu’il aurait voulu ne plus bouger. Don Vigilio, debout, continuait à saluer