Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/672

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sage, en faisant votre soumission entière aux pieds de Sa Sainteté. J’en étais certain, je n’attendais pas moins de votre belle intelligence. Mais vous me rendez tout de même très heureux, car je suis ravi de constater que je ne m’étais pas trompé sur votre compte.

Il s’abandonnait, il ajouta :

— Jamais je n’ai discuté avec vous. À quoi bon ? puisque les faits étaient là pour vous convaincre. Et, maintenant que vous avez retiré votre livre, toute discussion serait plus inutile encore… Pourtant, réfléchissez donc que, s’il était en votre puissance de ramener l’Église à ses débuts, à cette communauté chrétienne dont vous avez tracé une si délicieuse peinture, l’Église ne pourrait qu’évoluer de nouveau dans la voie où Dieu l’a une première fois conduite ; de sorte que, au bout du même nombre de siècles elle se retrouverait exactement où elle en est aujourd’hui… Non ! Dieu a bien fait ce qu’il faisait, l’Église telle qu’elle est doit gouverner le monde tel qu’il est, c’est à elle seule de savoir comment elle finira par établir solidement son règne ici-bas. Et voilà pourquoi votre attaque contre le pouvoir temporel était une faute impardonnable, un crime, car en dépossédant la papauté de son domaine, vous la livrez à la merci des peuples… Votre religion nouvelle n’est que l’écroulement final de toute religion, l’anarchie morale, la liberté du schisme, en un mot la destruction de l’édifice divin, ce catholicisme séculaire, si prodigieux de sagesse et de solidité, qui a suffi au salut des hommes jusqu’ici, qui peut seul les sauver demain et toujours.

Pierre le sentit sincère, pieux, d’une foi vraiment inébranlable, aimant l’Église en fils reconnaissant, convaincu qu’elle était la plus belle, la seule des organisations sociales capables de rendre l’humanité heureuse. Et, s’il entendait gouverner le monde, c’était sans doute pour la joie dominatrice de le gouverner, mais aussi dans la certitude que personne ne le gouvernerait mieux que lui.