Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/698

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noble, plus courageux et plus sûr pour l’Église d’avoir comme autrefois la bravoure de dire hautement ce qu’elle est, ce qu’elle a été, ce qu’elle sera. Il n’y a de salut pour elle que dans sa souveraineté totale, indiscutable ; et, puisqu’elle a toujours vaincu par son intransigeance, c’est la tuer que de vouloir la concilier avec le siècle.

Il se remit à marcher, de son pas songeur et puissant.

— Non, non ! pas un accommodement, pas un abandon, pas une faiblesse ! Le mur d’airain qui barre la route, la borne de granit qui limite un monde !… Je vous l’ai déjà dit, le jour de votre arrivée, mon cher fils. Vouloir accommoder le catholicisme aux temps nouveaux, c’est hâter sa fin, s’il est vraiment menacé d’une mort prochaine, comme les athées le prétendent. Et il mourrait bassement, honteusement, au lieu de mourir debout, digne et fier, dans sa vieille royauté glorieuse… Ah ! mourir debout, sans rien renier de son passé, en bravant l’avenir, en confessant sa foi entière !

Et ce vieillard de soixante-dix ans semblait grandir encore, sans peur devant l’anéantissement final, avec un geste de héros qui défiait les siècles futurs. La foi lui avait donné la paix sereine, cette paix que l’explication de l’inconnu par le divin apporte à l’esprit, dont elle satisfait pleinement le besoin de certitude, en le remplissant. Il croyait, il savait, il était sans doute et sans peur sur le lendemain de la mort. Mais une mélancolie hautaine avait passé dans sa voix.

— Dieu peut tout, même détruire son œuvre, s’il la trouve mauvaise. Tout croulerait demain, la sainte Église disparaîtrait au milieu des ruines, les sanctuaires les plus vénérés s’effondreraient sous la chute des astres, qu’il faudrait s’incliner et adorer Dieu, dont la main, après avoir créé le monde, l’anéantirait ainsi, pour sa gloire… Et j’attends, je me soumets d’avance à sa volonté, qui seule peut se produire, car rien n’arrive sans qu’il le veuille. Si vraiment les temples sont ébranlés, si le catholicisme