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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/72

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Et vous avez joliment bien fait de dormir à votre contentement.

Puis, comme il se plaignait d’être courbaturé et frissonnant, elle s’inquiéta.

— N’allez pas prendre leurs vilaines fièvres ! Vous savez que le voisinage de leur rivière n’est pas sain. Don Vigilio, le secrétaire de Son Eminence, les a, les fièvres, et je vous assure que ce n’est pas drôle.

Aussi lui conseilla-t-elle de ne pas descendre et de se recoucher. Elle l’excuserait auprès de la princesse et de la contessina. Il finit par la laisser dire et faire, car il était hors d’état d’avoir une volonté. Sur son conseil, il dîna pourtant, il prit un potage, une aile de poulet et des confitures, que Giacomo, le valet, lui monta. Et cela lui fit grand bien, il se sentit comme réparé, à ce point qu’il refusa de se mettre au lit et qu’il voulut absolument remercier ces dames, le soir même, de leur aimable hospitalité. Puisque donna Serafina recevait le lundi, il se présenterait.

— Bon, bon ! approuva Victorine. Du moment que vous allez bien, ça vous distraira… Le mieux est que don Vigilio, votre voisin, entre vous prendre à neuf heures et qu’il vous accompagne. Attendez-le.

Pierre venait de se laver et de passer sa soutane neuve, lorsque, à neuf heures précises, un coup discret fut frappé à la porte. Un petit prêtre se présenta, âgé de trente ans à peine, maigre et débile, la face longue et ravagée, couleur de safran. Depuis deux années, des crises de fièvre, chaque jour, à la même heure, le dévoraient. Mais, dans sa face jaunie, ses yeux noirs, quand il oubliait de les éteindre, brûlaient, embrasés par son âme de feu.

Il fit une révérence et dit simplement en un français très pur :

— Don Vigilio, monsieur l’abbé, est entièrement à votre service… Si vous voulez bien que nous descendions ?