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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/721

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tourmenté par ce qu’il sentait là d’obscur, il demandait des détails, lorsque son fils Prada entra brusquement, la face torturée d’inquiétude, essoufflé d’avoir monté trop vite. Il venait de congédier ses entrepreneurs avec une brutalité impatiente, sans tenir compte de la situation grave, de sa fortune compromise, en train de crouler, cédant à un tel désir d’être en haut près de son père, qu’il ne les écoutait même pas, insoucieux de savoir si la maison n’allait pas s’effondrer sur sa tête. Et, quand il fut en haut, devant le vieillard, son premier regard anxieux fut pour le dévisager, pour se rendre compte si le prêtre, par quelque mot imprudent, ne venait pas de le frapper à mort.

Il frémit de le trouver frissonnant, ému aux larmes de l’aventure terrible dont il causait. Un instant, il crut qu’il arrivait trop tard, que le malheur était fait.

— Mon Dieu ! père, qu’avez-vous ? Pourquoi pleurez-vous ?

Et il s’était jeté à ses pieds, agenouillé, lui prenant les mains, le regardant passionnément, dans une telle adoration, qu’il semblait offrir tout le sang de son cœur, pour lui éviter la moindre peine.

— C’est cette mort de la pauvre femme, reprit tristement Orlando. Je disais à monsieur Froment combien elle m’avait désolé, et j’ajoutais que j’en étais encore à comprendre l’aventure… Les journaux parlent d’une mort subite, c’est toujours si extraordinaire !

Très pâle, Prada se releva. Le prêtre n’avait pas parlé. Mais quelle effrayante minute ! S’il répondait, s’il parlait !

— Vous étiez présent, n’est-ce pas ? continua le vieillard. Vous avez tout vu… Racontez-moi donc comment les choses se sont passées.

Prada regarda Pierre. Leurs regards se fixèrent, entrèrent l’un dans l’autre. Entre eux, tout recommençait. C’était encore le destin en marche, Santobono rencontré au bas des pentes de Frascati, avec son petit panier ; c’était