Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/738

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Cette Rome noyée de cendre, dont les édifices s’effaçaient finit par lui serrer tellement le cœur, qu’il revint tomber sur la chaise, près de ses bagages. Jamais encore il n’avait éprouvé une pareille détresse, il lui sembla que c’était la fin de son âme. Il se rappelait comment ce voyage à Rome, cette expérience nouvelle s’était posée pour lui, à la suite de son désastre de Lourdes. Il n’y était plus venu demander la foi naïve et entière du petit enfant, mais la foi supérieure de l’intellectuel, s’élevant au-dessus des rites et des symboles, travaillant au plus grand bonheur possible de l’humanité, base sur son besoin de certitude. Et si cela croulait, si le catholicisme rajeuni ne pouvait être la religion, la loi morale du nouveau peuple, si le pape à Rome, avec Rome, n’était pas le Père, l’arche d’alliance, le chef spirituel écouté, obéi, c’était à ses yeux le naufrage de l’espérance dernière, un suprême craquement où les sociétés actuelles s’abîmaient. La trop longue souffrance des pauvres allait incendier le monde. Tout cet échafaudage du socialisme catholique, qui lui avait semblé si heureux, si triomphant, pour consolider la vieille Église, il le voyait par terre à cette heure, il le jugeait sévèrement comme un simple expédient transitoire qui, pendant des années, pourrait peut-être étayer l’édifice en ruine, mais ces choses n’étaient construites que sur un malentendu volontaire, sur un mensonge habile, sur de la diplomatie et de la politique. Non, non ! le peuple encore gagné et dupé, caressé pour être asservi, cela répugnait à la raison, et tout le système apparaissait bâtard, dangereux, temporaire, fait pour aboutir à de pires catastrophes. Alors, c’était donc la fin, rien ne restait debout, le vieux monde devait disparaître, dans l’effroyable crise sanglante dont des signes certains annonçaient l’approche. Et lui, devant ce chaos, n’avait plus d’âme, ayant de nouveau perdu sa foi, dans cette expérience qu’il avait sentie décisive, convaincu à l’avance d’en sortir raffermi ou foudroyé à jamais. C’était la