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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/743

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saurait le mettre à part, en disant qu’il existe par lui-même d’un côté, tandis que la science existe de l’autre. La science est totale, et elle le lui a bien fait voir déjà, et elle le lui fera bien voir encore, en l’obligeant à réparer les continuelles brèches qu’elle lui cause, jusqu’au jour où elle le balaiera, sous un dernier assaut de l’éclatante vérité. Cela prête à rire de voir des gens assigner un rôle à la science, lui défendre d’entrer sur tel domaine, lui prédire qu’elle n’ira pas plus loin, déclarer qu’à la fin de ce siècle, lasse déjà, elle abdique. Ah ! petits hommes, cervelles étroites ou mal bâties, politiques à expédients, dogmatiques aux abois, autoritaires s’obstinant à refaire les vieux rêves, la science passera et les emportera, comme des feuilles sèches !

Et Pierre continuait à parcourir l’humble livre, écoutait ce qu’il lui disait de la science souveraine. Elle ne peut faire banqueroute, car elle ne promet pas l’absolu, elle qui est simplement la conquête successive de la vérité. Jamais elle n’a affiché la prétention de donner, d’un coup, la vérité totale, cette sorte de construction étant précisément le fait de la métaphysique, de la révélation, de la foi. Le rôle de la science n’est au contraire que de détruire l’erreur, à mesure qu’elle avance et qu’elle augmente la clarté. Dès lors, loin de faire banqueroute, dans sa marche que rien n’arrête, elle demeure la seule vérité possible, pour les cerveaux équilibrés et sains. Quant à ceux qu’elle ne satisfait pas, à ceux qui éprouvent l’éperdu besoin de la connaissance immédiate et totale, ils ont la ressource de se réfugier dans n’importe quelle hypothèse religieuse, à la condition pourtant, s’ils veulent sembler avoir raison, de ne bâtir leur chimère que sur les certitudes acquises. Tout ce qui est bâti sur l’erreur prouvée, croule. Si le sentiment religieux persiste chez l’homme, si le besoin d’une religion reste éternel, il ne s’ensuit pas que le catholicisme soit éternel, car il n’est en somme qu’une forme religieuse, qui n’a pas