Page:Zola - Madame Sourdis, 1929.djvu/27

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grande douceur, tandis que ses petites mains souples, sa physionomie tendre et noyée, indiquaient toute une nature mollement voluptueuse. Il ne devait avoir que des crises de volonté. En effet, à deux reprises, il était resté trois semaines sans paraître ; la peinture était lâchée, et le bruit courait que le jeune homme menait une conduite déplorable, dans une maison qui faisait la honte de Mercœur. Comme il avait découché deux nuits, et qu’un soir il était rentré ivre mort, on avait parlé même un instant de le renvoyer du collège ; mais, à jeun, il se montrait si séduisant, qu’on le gardait, malgré ses abandons. Le père Morand évitait de parler de ces choses devant sa fille. Décidément, tous ces « pions » se valaient, des êtres sans moralité aucune ; et il avait pris devant celui-ci une attitude rogue de bourgeois scandalisé, tout en gardant une tendresse sourde pour l’artiste.

Adèle n’en connaissait pas moins les débauches de Ferdinand, grâce aux bavardages de la bonne. Elle se taisait, elle aussi. Mais elle avait réfléchi à ces choses, et s’était senti une colère contre le jeune homme, au point que, pendant trois semaines, elle avait évité de le servir, se retirant dès qu’elle le voyait se diriger vers la boutique. Ce fut alors qu’elle s’occupa beaucoup de lui et que toutes sortes d’idées vagues commencèrent à germer en elle. Il était devenu intéressant. Quant il passait, elle le suivait des yeux ; puis, réfléchissait,