Page:Zola - Madame Sourdis, 1929.djvu/37

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fallait que l’un des deux mangeât l’autre. Ferdinand mangerait Adèle, voilà tout ; et c’était tant mieux pour lui, puisque ce garçon avait besoin d’argent. Autant mettre dans son lit une fille peu appétissante, que de vivre de vache enragée dans les restaurants à quatorze sous.

Lorsque Rennequin entra, il aperçut La Promenade, richement encadrée, posée sur un chevalet, au beau milieu de l’atelier.

« Ah ! ah ! dit-il gaiement, vous avez apporté le chef-d’œuvre. »

Il s’était assis, il se récriait de nouveau sur la finesse du ton, sur l’originalité spirituelle de l’œuvre. Puis, brusquement :

« J’espère que vous envoyez ça au Salon. C’est un triomphe certain… Vous arrivez juste à temps.

— C’est ce que je lui conseille, dit Adèle avec douceur. Mais il hésite, il voudrait débuter par quelque chose de plus grand, de plus complet. »

Alors Rennequin s’emporta. Les œuvres de jeunesse étaient bénies. Jamais peut-être Ferdinand ne retrouverait cette fleur d’impression, ces naïves hardiesses du début. Il fallait être un âne bâté pour ne pas sentir ça. Adèle souriait de cette violence. Certes, son mari irait plus loin, elle espérait bien qu’il ferait mieux, mais elle était heureuse de voir Rennequin combattre les étranges inquiétudes qui agitaient Ferdinand à la dernière heure.