Page:Zola - Madame Sourdis, 1929.djvu/44

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la scène honteuse de la veille. Il était fort gêné, encore étourdi, les yeux gros et la bouche amère. Ce silence absolu de sa femme redoubla son embarras ; et il ne sortit pas de deux jours, il se fit très humble, il se remit au travail avec un empressement d’écolier qui a une faute à se faire pardonner. Il se décida à établir les grandes lignes de son tableau, consultant Adèle, s’appliquant à lui montrer en quelle estime il la tenait. Elle était d’abord restée silencieuse et très froide, comme un reproche vivant, toujours sans se permettre la moindre allusion. Puis, devant le repentir de Ferdinand, elle redevint naturelle et bonne ; tout fut tacitement pardonné et oublié. Mais, le troisième jour, Rennequin étant venu prendre son jeune ami pour le faire dîner avec un critique d’art célèbre, au Café Anglais, Adèle dut attendre son mari jusqu’à quatre heures du matin ; et, quand il reparut, il avait une plaie sanglante au-dessus de l’œil gauche, quelque coup de bouteille attrapé dans une querelle de mauvais lieu. Elle le coucha et le pansa. Rennequin l’avait quitté sur le boulevard, à onze heures.

Alors ce fut réglé. Ferdinand ne put accepter un dîner, se rendre à une soirée, s’absenter le soir sous un prétexte quelconque, sans rentrer chez lui dans un état abominable. Il revenait affreusement gris, avec des noirs sur la peau, rapportant dans ses vêtements défaits des odeurs infâmes, l’âcreté