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Page:Zola - Madame Sourdis, 1929.djvu/68

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Ferdinand n’avait pas donné et ne devait pas donner un seul coup de pinceau. Puis, à la moindre critique, elle se fâchait, n’admettait pas qu’on pût discuter le génie de Ferdinand. En cela, elle se montrait superbe, dans un élan de croyance extraordinaire ; jamais ses colères de femme trompée, jamais ses dégoûts ni ses mépris n’avaient détruit en elle la haute figure qu’elle s’était faite du grand artiste qu’elle avait aimé dans son mari, même lorsque cet artiste avait décliné et qu’elle avait dû se substituer à lui, pour éviter la faillite. C’était un coin d’une naïveté charmante, d’un aveuglement tendre et orgueilleux à la fois, qui aidait Ferdinand à porter le sentiment sourd de son impuissance. Il ne souffrait pas de sa déchéance, il disait également : « mon tableau, mon œuvre », sans songer combien peu il travaillait aux toiles qu’il signait. Et tout cela était si naturel entre eux, il jalousait si peu cette femme qui lui avait pris jusqu’à sa personnalité, qu’il ne pouvait causer deux minutes sans la vanter. Toujours, il répétait ce qu’il avait dit un soir à Rennequin :

« Je vous jure, elle a plus de talent que moi… Le dessin me donne un mal du diable, tandis qu’elle, naturellement, vous plante une figure d’un trait… Oh ! une adresse dont vous n’avez pas l’idée ! Décidément, on a ça ou l’on n’a pas ça dans les veines. C’est un don. »