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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/108

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qu’à ce jour, elle avait été sa maîtresse ; elle devint son amante. C’est-à-dire que, jusqu’à ce jour, il l’avait aimée chez lui, et que, dès lors, il alla l’aimer chez elle. Cette différence décida de leur bonheur. À son insu, il était moins libre dans la petite maison de Véteuil que dans le pavillon de la rue de Boulogne ; il ne se sentait pas maître du logis, il se montrait plus reconnaissant des baisers que Madeleine lui laissait prendre. Leur liaison avait moins de brutalité, il éprouvait une sorte de gêne délicieuse qui doublait ses plaisirs, en leur donnant un charme nouveau et délicat. Son esprit, porté aux affections respectueuses, goûtait d’une façon exquise les nuances de leur nouvelle situation. Il lui plaisait de pénétrer chez une femme en amant librement choisi ; il trouvait dans cette maison un parfum inconnu d’élégance et de grâce, un air tiède qu’il ne respirait pas à la Noiraude. Puis il lui fallait y pénétrer en se cachant, par crainte des méchantes langues ; il venait à travers champs, marchant en pleines terres labourées, se mouillant les pieds dans la rosée des prés, heureux comme un écolier qui fait l’école buissonnière ; quand il se croyait regardé, il feignait d’herboriser, cueillant des fleurs et des herbes ; il reprenait sa course, inquiet, haletant, heureux déjà de ses joies prochaines ; et, lorsqu’il arrivait, lorsqu’il s’était glissé comme un maraudeur par le trou de la haie d’aubépines, il jetait son bouquet dénoué dans la jupe de Madeleine, qui le guettait et qui l’entraînait vite au fond de la maison, où elle lui offrait enfin ses lèvres et ses joues loin des curieux. Cette escapade, cette course et ce baiser de bienvenue le charmaient chaque jour davantage. S’il eût été plus libre, il se serait peut-être lassé plus vite.

Et, lorsqu’ils s’étaient enfermés, Guillaume prenait une volupté singulière à se dire que son bonheur était ignoré de tous. Il regardait chaque visite comme une aventure charmante, comme un rendez-vous qu’une jeune fille sage lui aurait donné. Il oubliait parfaitement les mois passés rue de Boulogne. D’ailleurs, Madeleine était une autre