Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/221

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Il se vantait. Quand le garçon ne fut plus là, il se mit à marcher de long en large dans sa chambre, songeant malgré lui à ses vieilles amours. Il n’était pas d’un naturel rêveur ; pendant sa longue absence, le souvenir de son ancienne maîtresse ne l’avait guère troublé. Cependant il n’apprenait pas sans une certaine émotion qu’elle se trouvait là, dans une pièce voisine, en compagnie d’un autre homme. Elle était la seule femme avec laquelle il eût vécu maritalement durant une année, et la certitude de l’avoir possédée vierge, la distinguait à ses yeux des nombreuses créatures aimées une nuit et jetées à la porte le lendemain. D’ailleurs, il se disait philosophiquement que c’était la vie, qu’il aurait dû s’attendre à revoir Madeleine au bras d’un autre. Il n’eut pas un instant l’idée de s’accuser d’avoir jeté la jeune femme dans une vie de hasards ; elle voyageait, elle devait avoir trouvé un amant riche. Sa rêverie aboutit à un vif désir de lui serrer la main en vieux camarade ; il ne l’aimait plus, seulement il aurait goûté une véritable joie à s’entretenir quelques minutes avec elle. Quand la pensée de cette poignée de main cordiale lui fut venue, il oublia le léger déchirement de cœur qu’il venait d’éprouver, il songea uniquement à inventer un moyen pour pénétrer un instant auprès de Madeleine. Cette entrevue lui paraissait toute simple, elle plaisait à son caractère bon enfant. Il s’attendait, d’ailleurs, à ce que son ancienne maîtresse lui sautât au cou. La supposition qu’elle pouvait être mariée, si elle lui était venue, lui eût paru fort comique, car il la revoyait toujours chez lui, rue Soufflot, au milieu de ses amis fumant leur pipe de terre blanche. Il résolut simplement d’agir avec prudence, pour ne pas lui nuire dans l’esprit de son nouvel amant.

Sa chambre se trouvait au bout du couloir ; trois pièces la séparaient du no 7. Il avait entrebâillé sa porte, écoutant, réfléchissant à la difficulté de mettre son projet à exécution. Devant partir le lendemain de bonne heure, il désespérait d’arriver à son but, lorsqu’il entendit un bruit