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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/238

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anéanti. Cette fois, il s’abandonnait au bon plaisir du destin : tout l’accablait d’une façon par trop cruelle.

— Il ne faut pas m’en vouloir si je te dis la vérité, reprit âprement Madeleine. Je t’évite une honte. Tu refuses, n’est-ce pas ? de m’étreindre dans le lit où Jacques m’a déjà possédée… Nous y ferions d’horribles rêves, et j’y mourrais peut-être d’écœurement.

Le nom de son premier amant, qu’elle venait de prononcer pour la seconde fois, ramena ses idées sur l’entrevue récente. Sa tête s’égarait ; elle ne pensait plus que par sauts brusques.

— Il était devant moi tout à l’heure, dit-elle. Il raillait, il m’insultait. Je suis une pauvre fille pour lui, une fille qu’il a le droit d’injurier. Il ignore qu’on me respecte maintenant, il ne m’a jamais vue à ton bras… Un instant, j’ai voulu lui avouer la vérité. Et je n’ai pas pu… Veux-tu savoir pourquoi je n’ai pas pu, pourquoi je l’ai laissé rire et me tutoyer ? Non, je ne puis te dire cela… Eh ! qu’ai-je besoin de le cacher ! Tu dois tout savoir, tu ne me parleras plus de guérison… Cet homme m’a soupçonnée d’avoir traîné un nouvel amant dans cette chambre, pour y goûter un sale plaisir à évoquer le passé.

Guillaume n’eut pas un frisson ; il mollissait sous les coups. Après un court silence :

— Cette chambre, murmura Madeleine, je la connais bien, va…

Elle quitta enfin l’armoire où elle s’adossait depuis le commencement de la scène, elle vint au milieu de la pièce. Là, violente et muette, le cou gonflé du grondement qu’elle retenait, elle se mit à regarder autour d’elle, lentement, avec une terrible fixité. Guillaume, qui avait levé la tête en l’entendant marcher, fut épouvanté par l’expression de ses yeux ; il ne put s’empêcher de dire :

— Tu m’effraies, Madeleine… Ne regarde pas ainsi ces murs.

Elle secoua la tête. Elle continua à tourner sur elle-même, à examiner de loin chaque objet.