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MADELEINE FÉRAT

Une telle situation était sans issue. Il eût fallu une explication franche. Madeleine reculait, et Guillaume était trop faible. Pendant un mois, ils menèrent cette vie lourde.

Guillaume avait fait richement encadrer le portrait de Jacques. Ce portrait, placé dans la chambre des amants, troublait Madeleine. Quand elle se couchait, il lui semblait que les yeux du mort la regardaient monter sur le lit. La nuit, elle le sentait dans la chambre, elle étouffait ses baisers afin qu’il ne les entendît pas. Lorsqu’elle s’habillait, le matin, elle se hâtait pour ne pas rester nue au grand jour en face de la photographie. D’ailleurs, elle aimait cette image, le trouble qu’elle lui causait n’avait rien de douloureux. Ses souvenirs s’étaient attendris, elle ne songeait plus à Jacques en amante, mais en amie honteuse du passé. Elle était plus pudique pour lui que pour Guillaume, souffrant réellement de le voir assister à ses nouvelles amours. Parfois, elle croyait devoir lui demander pardon, elle s’oubliait devant le portrait, sans éprouver autre chose qu’un grand soulagement. Les jours où elle avait pleuré, où elle venait d’échanger quelques mots amers avec son amant, elle regardait Jacques d’un air plus doux encore. Elle le regrettait vaguement, oublieuse de ses anciennes souffrances.

Peut-être Madeleine aurait-elle fini par pleurer devant l’image comme une veuve inconsolable, si un événement n’était venu les tirer, elle et Guillaume, de la triste existence qu’ils menaient. Encore un mois, et ils se seraient querellés sans doute, ils auraient maudit le jour de leur rencontre. Ils furent sauvés par les faits.

Guillaume reçut une lettre de Véteuil qui l’appelait en toute hâte. Son père était mourant. Madeleine, émue de sa douleur, le serra dans une étreinte chaude d’affection, et, pour une heure, ils se retrouvèrent la main dans la main. Il partit, bouleversé, en disant à la jeune femme qu’il lui écrirait et qu’elle l’attendît.