Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/136

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cette dépense de volonté, à quoi bon tant de force produite, puisque, décidément, la volonté et la force n’étaient pas tout ? Il avait suffi d’une passion pour le détruire, il s’était pris sottement à aimer Flavie, et le monument qu’il bâtissait, craquait, s’écroulait comme un château de cartes, emporté par l’haleine d’un enfant. C’était misérable, cela ressemblait à la punition d’un écolier maraudeur, sous lequel la branche casse, et qui périt par où il a péché. La vie était bête, les hommes supérieurs y finissaient aussi platement que les imbéciles.

Nantas avait pris le revolver sur la table et l’armait lentement. Un dernier regret le fit mollir une seconde, à ce moment suprême. Que de grandes choses il aurait réalisées, si Flavie l’avait compris ! Le jour où elle se serait jetée à son cou, en lui disant : « Je t’aime ! » ce jour-là, il aurait trouvé un levier pour soulever le monde. Et sa dernière pensée était un grand dédain de la force, puisque la force, qui devait tout lui donner, n’avait pu lui donner Flavie.

Il leva son arme. La matinée était superbe. Par la fenêtre grande ouverte, le soleil entrait, mettant un éveil de jeunesse dans la mansarde. Au loin, Paris commençait son labeur de ville