Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

balbutiant : « Mon Dieu ! mon Dieu ! il faut mourir ! » Une anxiété me serrait la poitrine, la nécessité de la mort me paraissait plus abominable, dans l’étourdissement du réveil. Je ne me rendormais qu’avec peine, le sommeil m’inquiétait, tellement il ressemblait à la mort. Si j’allais dormir toujours ! Si je fermais les yeux pour ne les rouvrir jamais !

J’ignore si d’autres ont souffert ce tourment. Il a désolé ma vie. La mort s’est dressée entre moi et tout ce que j’ai aimé. Je me souviens des plus heureux instants que j’ai passés avec Marguerite. Dans les premiers mois de notre mariage, lorsqu’elle dormait la nuit à mon côté, lorsque, je songeais à elle en faisant des rêves d’avenir, sans cesse l’attente d’une séparation fatale gâtait mes joies, détruisait mes espoirs. Il faudrait nous quitter, peut-être demain, peut-être dans une heure. Un immense découragement me prenait, je me demandais à quoi bon le bonheur d’être ensemble, puisqu’il devait aboutir à un déchirement si cruel. Alors, mon imagination se plaisait dans le deuil. Qui partirait le premier, elle ou moi ? Et l’une ou l’autre alternative m’attendrissait aux larmes, en déroulant le tableau de nos vies brisées. Aux meilleures époques de mon existence, j’ai eu