Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/173

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volée de cloches m’avertit que nous passions près d’une église ; un roulement plus doux et continu me fit croire que nous longions une promenade. J’étais comme un condamné mené au lieu du supplice, hébété, attendant le coup suprême qui ne venait pas.

On s’arrêta, on me tira du corbillard. Et ce fut bâclé tout de suite. Les bruits avaient cessé, je sentais que j’étais dans un lieu désert, sous des arbres, avec le large ciel sur ma tête. Sans doute, quelques personnes suivaient le convoi, les locataires de l’hôtel, Simoneau et d’autres, car des chuchotements arrivaient jusqu’à moi. Il y eut une psalmodie, un prêtre balbutiait du latin. On piétina deux minutes. Puis, brusquement, je sentis que je m’enfonçais ; tandis que des cordes frottaient comme des archets, contre les angles du cercueil, qui rendait un son de contrebasse fêlée. C’était la fin. Un choc terrible, pareil au retentissement d’un coup de canon, éclata un peu à gauche de ma tête ; un second choc se produisit à mes pieds ; un autre, plus violent encore, me tomba sur le ventre, si sonore, que je crus la bière fendue en deux. Et je m’évanouis.