Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/230

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dis que Berthe m’adressait un clignement d’yeux, qui a établi une complicité entre nous. On s’était remis en marche, je me suis trouvé quelques secondes en arrière avec elle.

— Alors, vous êtes venu ? m’a-t-elle dit gaiement, à demi-voix.

Et, sans me laisser le temps de répondre, elle m’a plaisanté, en ajoutant que j’étais bien heureux d’être encore si enfant. Je sentais une alliée, il me semblait qu’elle aurait goûté une joie personnelle, à mettre son amie dans mes bras. Puis, Félix s’étant retourné, pour demander :

— De quoi riez-vous donc ?

— C’est M. de Vaugelade qui me raconte son voyage avec toute une famille d’Anglais, a-t-elle répondu tranquillement.

Gaucheraud avait repris le bras de Félix et l’entraînait, comme pour ne pas gêner mon tête-à-tête avec sa femme. Je suis resté seul entre Louise et Berthe, j’ai passé là une heure exquise, sur cette route ombreuse, qui suivait la Seine. Louise avait une robe de soie claire, et son ombrelle, à doublure rose, baignait son visage d’une lumière fine et chaude, sans une ombre. La campagne la rendait plus libre encore, parlant haut, me regardant en face, répondant à