Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/263

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Guérande. C’était un dimanche. Quand ils arrivèrent, vers midi, M. Chabre éprouva un saisissement, bien qu’il ne fût pas de nature poétique. La vue de Guérande, de ce bijou féodal si bien conservé, avec son enceinte fortifiée et ses portes profondes, surmontées de mâchicoulis, l’étonna. Estelle regardait la ville silencieuse, entourée des grands arbres de ses promenades ; et, dans l’eau dormante de ses yeux, une rêverie souriait. Mais la voiture roulait toujours, le cheval passa au trot sous une porte, et les roues dansèrent sur le pavé pointu des rues étroites. Les Chabre n’avaient pas échangé une parole.

— Un vrai trou ! murmura enfin l’ancien marchand de grains. Les villages, autour de Paris, sont mieux bâtis.

Comme le ménage descendait de voiture devant l’hôtel du Commerce, situé au centre de la ville, à côté de l’église, justement on sortait de la grand-messe. Pendant que son mari s’occupait des bagages, Estelle fit quelques pas, très intéressée par le défilé des fidèles, dont un grand nombre portaient des costumes originaux. Il y avait là, en blouse blanche et en culotte bouffante, des paludiers qui vivent dans les marais salants, dont le vaste désert s’étale entre Guérande et Le Croisic. Il