Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est bête ! dit-elle, quand ils sortirent de l’ombre, j’ai cru qu’un revenant m’emportait.

Hector se mit à rire et donna une explication.

— Oh ! une branche, quelque fenouil qui a fouetté vos jupes !

Ils s’arrêtèrent, regardèrent les croix autour d’eux, ce profond calme de la mort qui les attendrissait ; et, sans ajouter un mot, ils s’en allèrent, très troublés.

— Tu as eu peur, je t’ai entendue, dit M. Chabre. C’est bien fait !

À la mer haute, par distraction, on allait voir arriver les bateaux de sardines. Lorsqu’une voile se dirigeait vers le port, Hector la signalait au ménage. Mais le mari, dès le sixième bateau, avait déclaré que c’était toujours la même chose. Estelle, au contraire, ne paraissait pas se lasser, trouvait un plaisir de plus en plus vif à se rendre sur la jetée. Il fallait courir souvent. Elle sautait sur les grosses pierres descellées, laissait voler ses jupes qu’elle empoignait d’une main, afin de ne pas tomber. Elle étouffait, en arrivant, les mains à son corsage, renversée en arrière pour reprendre haleine. Et Hector la trouvait adorable ainsi, décoiffée, l’air hardi, avec son allure gar-